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Dementia est un film de John Parker tourné aux Etats-Unis, et sorti de manière très réduite en 1955. Il est ressorti plus largement en salles en 1958 avec des scènes censurées et une nouvelle bande son incluant un narrateur. Le film a été peu diffusé aux États-Unis, ponctuellement en Europe.
Récemment, il a été exhumé dans le cadre de l'Etrange Festival, organisé en septembre 2011 à Paris, ou il a fait l'objet d'une nouvelle bande sonore jouée et crée live par Boyd Rice, un des inventeurs de la musique industrielle, grand gourou de la contre-culture et du mauvais goût, et dont c'est le film préféré depuis qu'il à l'age de 15 ans.
Dementia n'a jamais vraiment trouvé un public, étiqueté comme trop sombre, étrange et scabreux pour l'époque. Il fut tout d'abord présenté dans quelques salles en double programme « Psychologie/Art » avec un film sur Picasso. Il subira les foudres de la censure qui l'amputera de plusieurs minutes. La version coupé ressortira, avec une bande sonore agrémentée d'un commentaire lu « éclaircissant le film » sous le titre de « Daughter of Horror ».
Dementia est un film assez outsider, le seul film jamais réalisé par John Parker, dont beaucoup ont pensé qu'il s'agissait de quelqu'un de plus connu agissant sous un faux nom. Mais John Parker a bel et bien existé. Fils d'un exploitant de salles de cinéma, c'est sa mère qui finnancera ce film tourné en six jours.

Film outsider mais pourtant intimement lié à l'histoire du cinéma : les extérieurs, très reconnaissables, ont été tournés dans le même quartier que Orson Welles pour son film La soif du mal. L'on peut aussi voir dans le film l'acteur nain -non crédité au générique, Angelo Rossito (jouant dans Dementia un vendeur de journaux) qui a joué dans de nombreux films, notamment au coté de Lon Chaney et Bela Lugosi, mais qui est surtout un des acteurs principaux du Freaks de Tod Browning. De plus, le directeur de la photographie, travaillera aussi sur un film passé, lui, à la postérité comme étant « le plus mauvais film de tout les temps », Plan 9 from outer space, de Ed Wood. Enfin, la musique du film dans sa première version, est de Georges Antheil, connu entre autres pour avoir composé la musique du Ballet Mécanique de Fernand Leger, et de films de Frits Lang, Cécile B. Demille, John Huston et Nicholas Ray.
Le script est basé sur le rêve -ou en l'occurrence le cauchemar raconté à John Parker par sa secrétaire, et dont il décide de faire un film, mettant en image l'errance nocturne d'une jeune femme dans une ville pleine de vices et de dangers. C'est sa secrétaire, Adrienne Barett, qui y interprète son propre rôle. Le coté onirique et surréaliste du film a souvent été rapproché des films de Bunuel, particulièrement de Un chien andalou, mais il évoque aussi fortement le film de Hitchcock Spellbound (La Maison du Docteur Edwards), sorti en 1945 (sept ans avant Dementia), et dont le film de John Parker emprunte probablement les scènes de rêves, décorées dans le film de Hitchcock par Salvador Dali.
Par un juste retour des choses, Hitchcock avouera à son tour l'influence qu'a eue sur lui ce petit film méconnu pour son chef d'œuvre Psychose qui sortira à peine cinq ans après, s'ouvrant sur le même plan d'une caméra s'introduisant par la fenètre d'une chambre d'hôtel. Le film, son ambiance urbaine surréaliste et sombre influenceront aussi vraisemblablement David Lynch pour son Eraserhead, et évoque l'univers des premiers film d'Abel Ferrara.

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